Le
Château de
VILLENAUXE et ses possesseurs
par
M. Henri RENAUD (pages 142 à 146)
Il était situé en dehors du pays, à gauche de la route qui conduit à Nogent-sur-Seine.
Sa construction ne date que de 1617 et doit être attribuée à Charles de Villemontée, seigneur de Villenauxe et de SaintSépulcre (aujourd'hui Villacerf), dont le père, Charles de Villemontée, procureur du Roi au Châtelet de Paris pendant trente ans, avait acquis en 1598 les seigneuries de Montaiguillon et de Villenauxe, et était mort en 1599, laissant deux fils et deux filles; l'aîné, François de Villemontée, président de la Cour des Aides, et intendant de l'armée de Lorraine en 1610, avait eu en partage les terres de Montaiguillon, Louan, Fontaine et Arbost et son frère Charles, celle de Villenauxe; l'acte en fut passé devant Thibret et Libaut, notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1611.
1- Cette aquarelle nous a été communiquée en 1868 par M. Crété, peintre à Villenauxe. Les éléments de la notice ont été puisés principalement dans les minutes des notaires de Villenauxe et dans les notes de M. Gérost-Choquet, Membre correspondant de la Société Académique de l'Aube,
Le château fort de Montaiguillon pouvait, entre les mains d'un rebelle, causer des embarras à l'autorité royale; il fut démantelé en 1613, moyennant une indemnité de 60,000 écus à François de Villemontée, qui mourut un ou deux ans après, laissant pour héritier son fils François, sous la tutelle de son oncle Charles, dont il recueillit également la succession ; elle comprenait notamment la seigneurie et le château de Villenauxe.
Le Bulletin des Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (tome III, p. 145) contient une biographie de ce personnage qui fut successivement conseiller au Parlement de Paris (3 juillet 1620), conseiller au grand Conseil (1624), maître des requêtes (27 novembre 1626). Intendant de justice, police, finances et marine, en Aunis, Saintonge, Angoumois et Poitou, de 1631 à 1650 (avec intermittence) et aux armées; puis évêque de Saint-Malo, de 1661 à 1670, bien que sa femme fût encore vivante. Il avait épousé, vers 1624, Philippe de la Barre, dont les aventures firent scandale et dont il se sépara avec éclat vers 1638, en la reléguant dans une de ses terres. Elle avait séjourné plusieurs fois à Villenauxe, et elle figure comme marraine sur les registres de baptême de l'église Saint-Pierre de Villenauxe dès 1629.
D'après Tallemant des Réaux, les deux époux avaient mené grand train, et les affaires de M. de Villemontée se trouvèrent embarrassées; il dut vendre le? terres et seigneuries de Montaiguillon, Villenauxe, etc., à François-Hannibal d'Estrées, pair et maréchal de France et Anne Habert de Montmort, sa femme, suivant acte reçu par Richer, notaire du Roi, au Châtelet de Paris, le 20 septembre 1651, moyennant 296,000 livres, avec déclaration de remploi au profit de Madame d'Estrees.
Le 26 octobre 1655, le maréchal d'Estrees, étant en son château de Villenauxe, traita avec Jehan Lévesque, maître maçon à Saint-Germain-des-Prés, rue de Grenelle, pour la construction d'un pavillon qu'il fit ajouter au château ; ce pavillon, dont le plan et le devis sont déposés en l'étude de Me Patrois, notaire à Villenauxe, comprenait, au rez-dechaussée, deux grandes chambres, une chapelle, un cabinet, une garde-robe et un escalier ; et, au-dessus, deux étages de même hauteur que ceux du grand corps-de-logis. Un second pavillon, semblable, fut édifié de l'autre côté ; il contenait la bibliothèque.
Des modifications furent sans doute apportées au plan primitif, car le dessin de 1779 représente les pavillons comme rectangulaires, tandis que, d'après le plan de 1655, ils auraient affecté, du côté de la cour, une forme concave « en tour creuse » dit le devis.
Malgré l'état de ses affaires, M. de Villemontée était fort estimé et considéré ; il reçut de nombreuses Commissions dont il s'acquitta avec beaucoup d'intelligence et à la grande satisfaction du Roi.
Sa fille, Marie de Villemontée, épousa, suivant contrat passé au château de Saint-Germain-en-Laye, le 20 avril 1649, devant Bruneau et Bergeon, notaires au Châtelet de Paris, messire Hercule, comte de Belloy, lieutenant des gardes du corps du duc d'Orléans.
Le père de la future lui constitua en dot 90.000 livres, dont 30.000 comptant et 60.000 à termes, avec assignation sur les terres et seigneuries de Montaiguillon et de Villenauxe. Il faut conclure de cette dernière disposition que la vente au maréchal d'Estrees n'avait été que partielle; ce qui vient encore à l'appui de cette opinion, c'est que, cette même année 1649, au mois de juillet, le Roi érigea en marquisat la terre de Montaiguillon en faveur de messire François de Villemontée, père de madame de Belloy. Les lettres d'érection le qualifient de chevalier, seigneur de Montaiguillon, Villenauxe, Louan, Fontaine, Arbost, la Contesse, Villebéon, SainteCroix, et en partie de Montgenault.
Le 23 juillet 1660, par acte passé devant Me Bruneau, notaire au Châtelet de Paris, M. et Mme d'Estrees revendirent à M. et Mme de Belloy les terres et seigneuries de MontaiguilIon et de Villenauxe, moyennant 307.000 livres dont quittance fut donnée le 20 février 1662.
François de Villemontée, évêque de Saint-Malo, vint souvent à Villenauxe, où sa présence est constatée par de nombreux actes : il était au château le 8 août 1660, et y signait l'acte de donation à l'église de Villenauxe d'une somme de 300 livres pour l'entretien d'une lampe perpétuelle dans la chapelle de Notre-Dame du Mont-Carmel, dite du Trioux, près le château. Il y revint l'année suivante, et, comme l'évêque de Troyes avait refusé d'autoriser le dépôt du Saint Sacrement dans cette chapelle, l'évêque de Saint-Malo, le 25 mai 1661, affecta cette somme de 300 livres à l'achat d'un dais pour l'église Saint-Pierre de Villenauxe; ce dais, qui était en velours et sur lequel Mme de Belloy fit broder plus tard ses armoiries, fut pris par les Cosaques.
M. et Mme de Belloy résidèrent fréquemment à Villenauxe; leurs noms et armes se retrouvent sur les cloches de l'église dont ils furent parrain et marraine en 1674 et en 1676. Mme de Belloy, devenue veuve, eut de longs procès avec les religieux de l'abbaye de Nesle-Ia-Réposte, dont son mari avait autorisé le transfert à Villenauxe le 26 décembre 1673.
François de Villemontée, évêque de Saint-Malo, vint souvent à Villenauxe, où sa présence est constatée par de nombreux actes : il était au château le 8 août 1660, et y signait l'acte de donation à l'église de Villenauxe d'une somme de 300 livres pour l'entretien d'une lampe perpétuelle dans la chapelle de Notre-Dame du Mont-Carmel, dite du Trioux, près le château. Il y revint l'année suivante, et, comme l'évêque de Troyes avait refusé d'autoriser le dépôt du Saint Sacrement dans cette chapelle, l'évêque de Saint-Malo, le 25 mai 1661, affecta cette somme de 300 livres à l'achat d'un dais pour l'église Saint-Pierre de Villenauxe; ce dais, qui était en velours et sur lequel Mme de Belloy fit broder plus tard ses armoiries, fut pris par les Cosaques.
M. et Mme de Belloy résidèrent fréquemment à Villenauxe; leurs noms et armes se retrouvent sur les cloches de l'église dont ils furent parrain et marraine en 1674 et en 1676. Mme de Belloy, devenue veuve, eut de longs procès avec les religieux de l'abbaye de Nesle-Ia-Réposte, dont son mari avait autorisé le transfert à Villenauxe le 26 décembre 1673.
Après sa mort, les terres de Montaiguillon et de Villenauxe passèrent à sa fille, Françoise-Bénigne de Belloy, femme de Joseph-Remi de Livron, dont le fils, Anne-Erard-Jean-Baptiste de Livron, marquis de Livron et de Montaiguillon, etc., vendit le marquisat de Montaiguillon et les terres et seigneuries de Villenauxe, Louan, Fontaine, etc., à Antoine de Saint-Chamant, chevalier, marquis d'Alizy, brigadier général des armées du Roi, lieutenant des Gardes-du-Corps de Sa Majesté, et à Marie-Louise Larcher, sa femme, moyennant, outre les charges, la somme de 243.000 livres et 3.000 livres de pot de vin.
L'acte de vente fut reçu par Me Jourdain, notaire à Paris, le 13 juillet 1718.
Les nouveaux possesseurs du château de Villenauxe eurent l'honneur d'y recevoir la Reine de France, Marie Leczinska, pendant son voyage de Strasbourg à Fontainebleau, où elle épousa le roi Louis XV le 5 septembre 1725.
Tous les détails de ce voyage nous ont été conservés par le sieur Daudet, géographe de la Reine, dans son Journal historique.
La Reine avait couché à Sézanne le 31 août, et en était partie le lendemain matin à dix heures. M. le marquis de Saint-Chamant vint au-devant d'elle, et, ayant été présenté à Sa Majesté par M. le duc de Noailles, capitaine des Gardes-du-Corps, s'en retourna pour faire les honneurs de sa maison. Après avoir été haranguée sur le chemin par les curés de Barbuise et de Montgenot, la Reine et sa suite arrivèrent sur les cinq heures au château de Villenauxe, dont la première cour était occupée par la bourgeoisie qui y était sous les armes ; et la seconde, par grand nombre de seigneurs qui y attendaient la Reine.
Madame de Saint-Chamant reçut la Reine au bas de l'escalier et baisa le bas de la robe de Sa Majesté, qui fut conduite dans son appartement, qu'elle trouva très beau par la grandeur des pièces et par la magnificence des meubles dont il était orné : un portrait du Roi, des mieux peints et des plus ressemblants, attira d'abord toute l'attention de la Reine, à qui S. A. S. Mademoiselle de Clermont, Surintendante de sa maison, présenta M. le comte de Clermont, son frère, que le Roi avait envoyé en ce lieu pour complimenter la Reine de sa part.
Le Grand-Maître des Cérémonies, M. le marquis de Dreux, présenta ensuite à Sa Majesté les députés de la ville de Troyes qui, après avoir fait à la Reine une harangue qui nous a été conservée, lui offrirent leurs présents de ville, de même que le Maire de Villenauxe.
Sur les huit heures, la Reine soupa à son grand couvert ; M. le comte de Clermont lui présenta la serviette et fut présent à son souper, où il y eut un grand concours de monde, tous gens bien mis, ce qui fit plaisir à la Reine, dit le chroniqueur. Une bourgeoise de Villenauxe présenta à la Reine, à son dessert, une corbeille de fleurs et de fruits, dont la beauté et la bonté répondaient à la bonne grâce et au bon cœur de celle qui la présentait ; la Reine trouva ce fruit si beau, qu'elle Ordonna qu'on le conservât avec soin pour le lendemain.
Après le souper de la Reine, on tira dans le jardin, vis-à-vis l'appartement de Sa Majesté, une grande quantité de pétards et de fusées volantes qui firent un très bel effet.
M. le marquis de Saint-Chamant, qui avait cédé son château à la Reine, donna à souper avec toute la magnificence possible dans une maison de la ville à Leurs Altesses Sérénissimes Mgr le Comte et à Mlle de Clermont, aux dames du Palais, et à tous les seigneurs de la Cour, de même qu'à tous les officiers des Gardes-du-Corps, tant de la suite de la Reine qu'à ceux qu'il avait fait venir de Fontainebleau, ce qui composait plusieurs tables, toutes également bien servies, et dans le même temps. Le chroniqueur ajoute que M. de Saint-Chamant dut faire de grandes dépenses, et que Leurs Altesses Sérénissimes furent très contentes du zèle avec lequel M. et Mme de Saint-Chamant firent les honneurs de leur maison.
Il y eut dans Villenauxe de grandes fêtes et réjouissances dans le public, des illuminations aux fenêtres, et des feux de joie dans toutes les rues. La bourgeoisie fit garde toute la nuit aux environs du château et auprès des équipages.
Le lendemain, 2 septembre, la Reine, qui s'était levée à neuf heures, entendit la messe à dix dans la paroisse, où elle fut reçue processionnellement par le clergé qui était assez nombreux, et s'en retourna ensuite au château, où Sa Majesté dîna à son grand couvert, en présence d'une nombreuse et belle assemblée ; il y eut aussi un grand concours de monde pour voir dîner la princesse de Clermont, qui, étant sortie de table, se rendit dans l'appartement de la Reine, où l'on s'entretint beaucoup sur la beauté des tableaux, sur la magnificence des meubles, et principalement sur la bonne grâce et la générosité' avec laquelle M. et Mme de Saint-Chamant avaient fait les honneurs de leur maison.
La Reine partit de Villenauxe à une heure, pour aller coucher à Provins. La Bourgeoisie, comme le jour précédent, était sous les armes à la porte de la ville, et la maréchaussée de l'Ile-de-France, qui était rangée en bataille sur la hauteur de Villenauxe, releva celle de Champagne et précéda la marche jusqu'à Provins.
Après la mort du marquis de Saint-Chamant et celle de sa veuve, qui arriva le 6 décembre 1751, le château de Villenauxe devint la propriété de leur fils aîné, Alexandre-Louis de Saint-Chamant, marquis de Saint-Chamant et de Montaiguillon, vicomte de Rebenac, lieutenant-général des armées du Roi, gouvernenr de Saint-Venant-en-Artois, époux de Françoise-Aglaé-Silvie Le Tellier. Il décéda à Villenauxe le 9 juillet 1778 ; sa femme était morte à Paris le 2 mai de la même année.
Leur fils, M. Amans de Saint-Chamant, hérita des terres et seigneuries de Villenauxe et de Montaiguillon ; c'est à cette époque que fut exécuté le dessin que nous reproduisons.
D'après un mémoire sur la terre et seigneurie de Villenauxe, rédigé vers 1782, par Me Champenois, notaire de la famille de Saint-Chamant, le château de Villenauxe était fort beau et se composait d'un corps-de-logis flanqué de deux pavillons doubles, entouré de fossés pleins d'eau de la rivière de Villenauxe, larges de quatorze toises, revêtus de grès en dehors et en dedans, entourés de balustrades de fer avec quatre grilles qui rendaient les cours superbes. Un des amis de M. de Saint-Chamant, dont les lettres se trouvent aux archives de l'Aube, le félicite d'habiter sa belle solitude de Villenauxe.
Le pavillon de droite était nommé pavillon bleu, et celui de gauche pavillon rouge ; du côté de ce dernier, se trouvait la chambre dite de la Reine, en souvenir du séjour qu'y fit Marie Leczinska.
Le château mesurait 160 pieds de longueur en dehors, y compris les deux pavillons, et 37 pieds de hauteur jusqu'à l'entablement, à partir du pavé de la cour ; les murs étaient épais de 3 pieds.
Un pont à deux arches donnait accès à la cour d'honneur par une grille avec armoiries ; Une autre grille semblable existait à l'extrémité du champ de foire; mais, au mois de septembre 1788, M. de Saint-Chamant la fit reporter plus loin en englobant le champ de foire et la chapelle du Trioux dans sa propriété ; de là, avec la commune de Villenauxe, un procès qui ne paraît pas avoir été définitivement jugé quand éclata la Révolution.
Des allées d'ormes s'étendaient au-devant du château, qui occupait, avec les cours, une surface de trois arpents, non compris les fossés, et le potager onze arpents ; il y avait deux belles futaies, un canal de 312 toises de longueur, un: superbe parterre, quatre belles charmilles, des allées de marronniers et de tilleuls de toute beauté et une garenne de 43 arpents. ; ces futaies, bosquets, charmilles et allées de marronniers et de tilleuls furent coupés en 1785 et 1786, et M. de Saint-Chamant fit tracer un parc à l'anglaise.
M. de Saint-Chamant émigra; ses biens furent confisqués, et le château de Villenauxe vendu à Georges Bridin, jardinier, Claude-Prudent Robert, maçon et couvreur, et Antoine Huguier, lé 8 décembre 1796, moyennant 700 livres en argent, et 15.000 livres en assignats. D'après le cours des assignats à cette époque, ces 15.000 livres ne représentaient que 495 livres en espèces.
Les acquéreurs commencèrent, le 16 février 1797, à vendre les plombs, ferrements, grilles, boiseries, carreaux, cheminées, croisées, etc.
Le parc et les jardins furent morcelés et vendus; ce qui n'avait pas été aliéné fut restitué à M. de Saint-Chamant, ainsi que les ruines et les bois de Montaiguillon, en 1814."
ANNUAIRE DE L'AUBE DEUXIEME PARTIE / RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES HISTORIQUES & ADMINISTRATIFS
▼
◄
Compléments
sur
FONTAINE-FOURCHES
▼
►
▼ retour : le plan du site |
Actualités