Documents - Histoire
Relation d’un ouragan, survenu le vendredi 7 juin 1680 dont le parcours, de Sens à Villenauxe-la-Grande, en passant par Courceroy, La Motte-Tilly, Mesle, Le Plessis-Meriot , Sourdun, Villegruis, Montaiguillon, a provoqué des dégâts considérables...publié dans le Mercure galant de juillet 1680.
version
présentée avec une orthographe modernisée
Pages
112 à 124 [Texte
dédié
(vraisemblablement) à Mme de Maintenon :
« Vous
savez,
Madame, vous qui lisez si souvent l’Histoire,
qu’entre tant de Princes qui ont fait bruit par leurs
grandes actions,
il n’y en a point dont la mémoire soit conservée avec plus de
vénération que
celle des potentats, qui ont signalé leur zèle pour protéger [...]]
« Si ce que je vous ai
déjà dit de l’orage qui causa tant de désordres le vendredi 7 de
l’autre mois,
vous a étonnée, vous serez bien plus surprise de ce
qui me reste à vous
en conter. Cet orage commença vers Sens, sur les quatre heures après
midi, avec
une impétuosité si furieuse qu’il renversa dix villages, mais trois
entre-autres,
où il n’est resté aucune figure ni d’église ni de maisons. Les vignes, les bois de haute
futaie et tous
autres de quelque nature qu’ils fussent, ont été arrachés ou tors, et
il ya eu
quantité de gens tués. Il alla delà jusqu’à Bray-sur-Seine, où il ne
fit de
dégât qu’aux tuiles et aux vitres du côté du Nord, mais de telle sorte
que tout
y fut mis à jour. On estime ce dégât à plus de soixante mille livres.
Il passa
ensuite à Courceroy, qui est un très beau village sur la Seine. Arbres
ni maisons,
rien ne demeura debout. Il entraîna jusqu’aux haies ; et
l’église, quoique
bien bâtie en fut renversée jusque dans les fondements. Le château de
la Motte-Tilly,
appartenant à Monsieur le Duc de Burnonville, se sentit de ce ravage.
L’orage
emporta la couverture, brisa les croisées et abattit entièrement une
très belle
ferme qui était dans la prairie, au-delà de la rivière. Toute la haute
futaie,
autres bois et boqueteaux de ce Duc, furent arrachés, rompus, ou tors.
C’est
une perte de plus de vingt-cinq mille écus. Ce qui suit est surprenant
et
presque incroyable. Deux pêcheurs pêchant dans des accrues de la Seine,
qui
sont d’un village appelé Beaulieu, sortirent de leurs bateaux, pour
éviter la
nuée dont ils voyaient bien qu’ils allaient être surpris. En même temps
ils
virent tomber dans l’eau quelque chose qu’ils ne purent
distinguer ; et
comme ce qui venait de tomber se débattait et tâchait de gagner bord,
ils y
coururent avec les lignes dont ils ont accoutumé de se servir pour
pêcher
l’anguille. Ils aperçurent alors un animal qui avait la grosseur et la
figure
d’un veau mais la queue beaucoup plus longue. Ils trouvèrent moyen de
l’accrocher, et furent fort étonnés quand ils l’eurent attiré assez
près du bord,
de le voir tout d’un coup s’élancer en l’air jusqu’à plus de vingt
pieds de
haut et retomber ensuite dans le même endroit. Ces mêmes pêcheurs
retournant à
leurs bateaux se trouvèrent attaqués d’un tourbillon qui les renversa
par terre ;
et à leur vue, leurs deux bateaux surent enlevés en l’air par un autre
tourbillon. L’un demeura sur le haut d’une maison à plus de mille pas
de l’eau
et l’autre fut porté dans les blés à plus de cinq cents pas au-delà de
cette
maison. Les mêmes désordres furent vus à Mesle. C’était un très bon
village
appartenant à Monsieur de Belloyer. Il n’en est resté que trois
maisons. On
ne peut concevoir par quel miracle les granges & quelques
autres petits bâtiments
qui les joignaient, aient été renversés de fond en comble. Un laboureur
de ce lieu
a dit à celui dont je tiens ces circonstances, qu’il avait été enlevé
par-dessus sa grange à plus de cent pas au-delà dans les blés, sans
qu’il eut
été blessé et qu’ayant vu sa maison entièrement renversée presqu’au
même instant,
il était couru à l’église, où il avait été témoin, comme beaucoup
d’autres de
la chose du monde la plus singulière, Une image de la Vierge qui est
une grosse
figure de plâtre de quatre pieds et demi de haut, fut enlevée de sa
place à la
vue de la plus grande partie des habitants qui y étaient en prières, et
portée
par la foudre en plusieurs endroits de cette église, où elle passa et
repassa
par-dessus le balustre du chœur, sans qu’on y ait remarqué aucune
rupture.
Apres ce dégât, l’orage passa au Plessis-Mériot par le bout d’en haut,
et ayant
arraché une avenue d’ormes qui est devant le Château de Jaillard, il
endommagea
un peu la couverture de ce château qui appartient à M. de Launac Maître
des
Requêtes, enleva son moulin à vent et abattit toutes les maisons du
village. La
perte est considérable pour Monsieur de Launac, à cause de plusieurs
fermes qui
ont été renversées. Quoi que la campagne fût toute couverte d’arbres,
il n’y en
resta aucun. Cet orage passa ensuite par le bout de la forêt de
Sourdun, d’où
il arracha des chênes, et les entraîna si loin qu’on n’a pu trouver la
place de
la plupart, les chemins étant barrés, comme si on avait eu dessein
d’empêcher
le passage d’une armée. De plusieurs personnes qui se rencontrèrent en
cet
endroit, il y eut six hommes tués par la grêle. L’un d’entre eux, après
été
élevé trois fois si haut qu’on le perdait tout à fait de vue, tomba
devant tous
les autres, la tête fendue d’un grêlon. Une petite fille qui gardait
quelques bestiaux,
fut enlevée dans les Blés, où on la trouva quatre jours après, sans
qu’elle ait
pu dire ce qu'elle avait fait pendant tout ce temps. L’éclat du
tonnerre était
si épouvantable, que beaucoup de gens en moururent de frayeur. II tua
un
serrurier de Paris dans le chemin de Nogent, et dépouilla deux jeunes
personnes
toutes nues en la présence de leur père, dont le justaucorps fut
emporté, sans
que tous les trois en reçussent d’autre mal. Tout cela est arrivé aux
environs
du bourg de Chalautre-la-Grande, où quoi qu’il n’y ait rien eu
d’endommagé, on a
trouvé des rideaux de lit, des chaudières d’airain, et d’autres
meubles, étain,
et linge qu’on a reconnus appartenir au cabaretier de Mesle, qui en est
en à
deux lieues, la montagne et forêt de Sourdun entre deux. Tous les
arbres de Pifrous,
qui est un hameau de la dépendance de Chalautre, furent arrachés, et
deux granges
enlevées jusque dans les fondements, avec les clôtures tant des cours
que des clos,
sans aucun dommage pour les maisons, si ce n’est dans le bout des
couvertures.
Ces deux granges étaient nouvellement rebâties, et toutes revêtues de
gros
piliers. Il y en avait une qui appartenait à Monsieur Rose Secrétaire
du
Cabinet. Un autre hameau, nommé Puits Jolly, fut entièrement abîmé tout
vis-à-vis de Puits Froux. Ce Hameau était composé de plus de trente
maisons,
parmi lesquelles il y avait neuf ou dix fermes, qui toutes, ensemble,
formaient
une belle rue. Ce qui vous étonnera, c’est qu’un bourgeois d’une ville
assez
voisine, à qui l’une de ces fermes appartenait, y étant allé le
lendemain pour
voir ce désordre, passa quatre fois devant la place de sa ferme,
accompagné
d’un de ses amis, sans qu’aucun des deux la put reconnaître, quoi
qu’auparavant
il y eut deux corps de logis, Granges, écuries & autres
bâtiments, avec un
grand clos de plus de quatre cens arbres fruitiers, qui pouvait assez
marquer
l’endroit de cette maison ; mais tout cela était tellement
mêlé parmi les
matériaux des autres ruines, qu’il était impossible d’y rien
distinguer. Mêmes
désordres à Villegruis, où l’orage alla en deçà de Villenauxe.
Villegruis était
un village beaucoup plus gros que tous ceux j’ai parlé. Tout y fut
aussi abîmé
entièrement, excepté l’église & trois ou quatre maisons qui en
ont encore
quelques apparences. La tour de l’église, qui est une grosse tour
carrée, ayant
quatre pignons bien plus élevés que la couverture, eut part au ravage.
L’un de
ces pignons fut emporté, la couverture, brisée, et la charpente mise en
morceaux, même celle qui portait les cloches. Elles sont au nombre de
quatre,
des plus grosses de toute la Brie, et on les trouva posées sur la voûte
qui
n’en fut en aucune façon endommagée. Il est certain cependant qu’une
seule de
ces cloches, tombant dessus, aurait dû enfoncer quatre voûtes, si elles
avaient
été l’une sur l’autre. Le hameau de la Queue aux Bois
souffrit la même
disgrâce. Les fermes les mieux bâties, comme celle de Monsieur Retel, y
furent
entièrement renversées, ainsi qu’à Bouchy sur le chemin de Sézanne.
C’était un
très bon village, et il fut traité de la même manière que Courceroy,
c’est à
dire abîmé de fond en comble, et les arbres emportés à deux lieues de
là, avec
les cloches, qu’on retrouva dans les blés. De Montaiguillon près de
Villenauxe,
où il y eut encore un entier dégât au château, et à une ferme qui était
au pied,
l’orage alla fondre au Pré du But, qui appartient aux Pères de la
Charité de
Paris, par le legs que leur en a fait M. Destoge Maître des Requêtes.
Le
dommage a été considérable aux bâtiments du château, mais bien plus à
la garenne.
C’était une futaie de vingt-quatre à vingt-cinq arpents d’étendue,
admirable
pour la quantité d’arbres pour leur grosseur et hauteur. Ils ont été
tous
arrachés, rompus, ou tors ; et ceux qui ont résisté, se sont
tellement
entrelacés les uns dans les autres, qu’en voyant tout ce désordre, on a
peine à
croire que ce soit encor la même garenne. Je passe ce qui est arrivé à
la forêt
de Gots auprès de Sézanne, à Epernay, et en d’autres lieux plus
éloignés, parce
que je n’en suis pas assez particulièrement informé. Ce qu’on tient
certain, au
rapport de ceux qui ont vu tous ces débris, c’est que personne ne se
les peut
représenter aussi affreux qu’ils le sont. » [... ]
**
"le Vendredi 7. de
l’autre Mois" soit le 7 juin 1680. On trouve, en effet , dans le Mercure
Galant de mai 1680 (Google
books ) pages 174 à 177, le texte suivant :
NB rappel A tous ces maux que nous venons de signaler*, il faut ajouter la famine et la peste des années 1347 à 1348, le froid anormal, la tempête du 7 octobre 1433 qui déracina les arbres et renversa les maisons.
APERCU D'ENSEMBLE PAR G.BUISSON, PRESIDENT DE LA SOCIETE D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE DE L'ARRONDISSEMENT DE PROVINS
* ceux de la guerre de centans que l'auteur vient d'énumérer...cité : "le Montois & sa région", page sur le site
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